Des orphelines de saint Joseph…a la junior association « Pierre de lune »

En 1820, la première communauté de la Grande rue Saint Jean accueille une petite orpheline, puis deux, puis trois ….

Leur nombre va croissant et de la rue Mazarin, l’œuvre des orphelines qui s’agrandit, demeure rue de Saintonge, rue de Pessac, rue de Ségur et rue Sainte Eulalie qui deviendra rue Paul Louis Lande.

Et le numéro 21, abritera non seulement l’orphelinat mais par la suite, la maison générale des sœurs de la branche de Saint Joseph.

Au cours des années, dans ces lieux des origines, goutte à goutte, les modifications s’enchainent, jusqu’en …. 2015.

L’orphelinat se développe et devient en 1970, une maison pour enfants déficients reconnue par l’état. Les sœurs suivent des formations de directrice et d’éducatrices puis passent progressivement le relais à des laïcs. L’établissement est géré par une association qui prend le nom de Pierre Bienvenu Noailles !

En 2015, un déménagement, une grande transformation s’imposent. Cet IMP, IMP Saint Joseph, est transféré à la périphérie de Bordeaux et fait partie désormais de l’Institut Don Bosco. Il accueille aujourd’hui 70 jeunes déficients intellectuels, des garçons de 6 à 13 ans, ainsi que des filles de 6 à 18 ans en semi-internat ou internat de semaine.

Aujourd’hui, une nouvelle goutte :

« Pierre de Lune, junior association. »

Pour permettre aux jeunes accueillis de

disposer et de gérer eux-mêmes un budget pour leurs sorties et leurs loisirs, l’IMPSaint Joseph soutient la création d’une « junior

association » une expérience démocra-tique et éducative fondée sur le développement de l’autonomie individuelle et collective.

Interviewés, un peu intimidés par la présence du directeur, de la cheffe de service et de deux

journalistes, les huit membres de l’association hésitent à prendre la parole. Comme tous les vendredis, ils sont réunis. Ordre du jour : définir un programme d’activités et de sorties pour les mois à venir.

Mais bien vite les idées fusent :

« On pourrait aller au Parc Astérix ou à Walibi ! A Paris, ce serait bien … Ou à Marseille …

N’importe quoi ! Pourquoi pas Toulouse ! »

Concentrée, la trésorière s’astreint à noter les idées aussi vite qu’elles arrivent. Les accompagnateurs, quant à eux, écoutent sans mot dire. Ils savent bien que certains projets seront plus difficiles à mettre en place que d’autres.

Mais la « junior association » appartient à ses membres. A eux de prendre les décisions de façon démocratique, d’en garder la trace écrite et de s’atteler à leur réalisation, même s’il s’agit d’adolescents déficients intellectuels avec des troubles de la personnalité.

 

L’association est née d’un désir d’autonomie, désir des jeunes de disposer d’un budget pour leurs sorties et leurs loisirs. Leur première idée : confectionner des confitures et les vendre pour constituer un petit pécule. Il fallait officialiser les choses.

Alors est venue la suggestion d’un éducateur de rejoindre le Réseau national des juniors associations. C’est un support qui permet de s’organiser sur le modèle d’une association « loi 1901 » et permet d’ouvrir un compte bancaire et d’accéder à des informations et conseils utiles.

Le petit groupe adhère immédiatement : remplir les formulaires, liste de besoins, description des actions envisagées, toutes ces réflexions et démarches sont conduites par les jeunes avec l’appui de deux éducateurs du l’institut. Cet apprentissage démocratique intense et accéléré se conclut par l’apposition de la signature de la présidente aux côtés de celle du directeur !

Les éducateurs aussi apprennent à trouver leur place. Ce n’est pas si facile de ne pas intervenir. Il s’agit vraiment d’aider les jeunes à se situer comme acteurs dans leurs choix et la conduite de leurs projets, sans interférer.

Mieux que la vente des confitures, c’est en réalité la distinction par l’Agence Régionale de la Santé (ARS) qui a permis au projet de prendre une ampleur inespérée. En effet, en 2017, elle a honoré Pierre de Lune en lui attribuant 5 000 € !

Avec cette petite fortune, les jeunes ont pu organiser « des activités et des vacances de rêve », résume la secrétaire : séjour au Futuroscope, sorties au karting, au bowling, journée à la plage … autant de dépenses soigneusement consignées dans les documents administratifs de l’association.

« A Noël, on a aussi fait un don à d’autres groupes pour qu’ils puissent se faire plaisir » indique une jeune. La précision a son importance : en partageant le produit de leur action, les membres ont renversé symboliquement la relation d’aide.

« Depuis tout petits, ces jeunes n’ont été observés et dépeints qu’à travers leurs difficultés, leurs déficiences. La « junior association » ne leur offre pas seulement un projet dans lequel s’impliquer, mais également une autre identité, un autre visage à présenter autour d’eux et une autre place dans la société » précise le directeur.

Lors d’une rencontre départementale des juniors associations, les jeunes de Pierre de Lune ont échangé sur l’engagement, la citoyenneté, et le financement des projets. Ils ont même sympathisé avec des collégiens qui leur ont proposé de vendre leurs confitures sur un marché de Noël et de leur reverser l’intégralité des gains.

Les jeunes ont gagné la confiance en soi, une autre place dans la société, un autre regard sur l’avenir, sans pour autant oublier la prochaine sortie au bassin d’Arcachon, une journée d’été au soleil !

Une junior association

pour s’initier à la citoyenneté.

 

Françoise VANHOUTTE, soeur apostolique.